La désobéissance éthique

Elisabeth Weissman

Stock

  • Conseillé par
    4 juin 2010

    Un livre indispensable!

    En publiant La désobéissance éthique, son auteur, Elisabeth Weissman ne va pas se faire des amis. Ni dans le monde politique ni dans le monde des médias. Car contrairement à beaucoup de journalistes, qui ont oublié l’essence même de leur métier, elle ne craint pas d’appeler un chat, un chat et Sarkozy, un grand danger pour la France et l’héritage social du Conseil National de la Résistance.


    Présenté sous forme d’abécédaire, de A comme Alain Refalo, le premier désobéisseur à Z comme Zélitude… de ceux qui flattent la sarkozie, La désobéissance éthique dresse le portrait de ces hommes et de ces femmes, qui combattent la mort annoncée du service public, et explique leurs motivations.Que ce soit dans l’Education Nationale, à Pôle Emploi, chez EDF ou GDF, dans les hôpitaux et même dans les forêts, la logique marchande, propulsée par Bruxelles et mise en place par les politiques, volontairement soumis au pouvoir économique, est partout. C’est elle qui règne en maître, qui décide de tout et conduit à cette aberration : la société n’est plus au service des humains qui la composent mais exclusivement de l’Argent. Or, comme le rappelle la journaliste, «le service public n’est pas une entreprise privée : il est au service du public, travaille à la satisfaction de l’intérêt général et non à l’obsession des gains de productivité à court terme… Il donne accès à des biens et à des services collectifs que seule la puissance publique peut garantir, précisément parce que celle-ci n’obéit pas aux nécessités du marché. Il confère un sens au travail de tous ces professionnels qui se sentent investis d’une mission».

    Seulement voilà : aujourd’hui, des pans entiers du service public sont sacrifiés à la logique destructrice du marché. Les professeurs sont sommés de ficher leurs élèves, de les évaluer comme on pèse les bestiaux. Les aides-soignantes doivent soigner sans perdre leur temps à sourire ou à adresser quelques paroles de réconfort aux malades. Les forestiers ont pour mission de faire du chiffre, en coupant les arbres en dépit du bon sens et de la protection de la biodiversité. Les conseillers de Pôle-Emploi doivent dénoncer les sans-papiers. Les salariés d’EDF doivent couper l’électricité chez les mauvais payeurs et tant pis s’ils crèvent de froid… Alors des hommes et des femmes ont décidé de résister. En refusant d’appliquer les ordres, de suivre les consignes. Chacun, à son échelle, tente de freiner le rouleau compresseur du dieu Marché. Ce sont, la plupart du temps, des initiatives individuelles, car les syndicats sont les grands absents de ce combat. Habitués à évoluer sur d’autres terrains, ils ne sont pas prêts à mener cette bataille-là, celle qui consiste à lutter contre «sale boulot» qu’on exige désormais des fonctionnaires. Dénoncer, vendre des produits dont les usagers n’ont pas besoin, couper les vivres à ceux qui sont les plus démunis…

    Dogme, catéchisme, idéologie… on peut bien appeler cela comme on veut. Le résultat est le même : la dislocation de la société, la précarisation ou l’enfermement des plus fragiles (comme les schizophrènes, par exemple), la compétition à mort et la lutte de tous contre tous. Vieux contre jeunes, chômeurs contre salariés, fonctionnaires contre employés du privé, français de souche contre candidats à l’intégration. Et pour ceux qui voudraient enrayer cette logique mortifère, le pouvoir politique n’a qu’une réponse : la répression. Rien de moins. La répression féroce avec mise à pied, mutation forcée, suspension de salaire voire licenciement. C’est dire à quel point ces désobéisseurs font peur… car ils pourraient faire tache d’huile!

    Très complet, bien documenté, courageusement engagé, l’ouvrage d’Elisabeth Weissman est un livre indispensable pour quiconque veut réfléchir à la direction prise par la société actuelle. Une société française déboussolée, où la démocratie est chaque jour mise à mal. Une société où de plus en plus de gens souffrent et ont l’impression de ne pouvoir rien faire contre cette souffrance. Mais comme le dit Jean-Marie Muller, auteur de «L’éloge de la désobéissance civile», «le citoyen, par rapport à la loi, ne peut pas être considéré dans un rapport de soumission. Il doit garder voix au chapitre dans la création et l’application des lois (…) il appartient au citoyen de s’organiser pour être en mesure d’être vigilant par rapport aux décisions qui sont prises en son nom». La désobéissance éthique nous invite à réfléchir à ce que se passe aujourd’hui et à réagir, pour que la politique mise en place par les dirigeants soit conforme à nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Ce qui, à l’heure actuelle, est loin d’être le cas…