Nos romans préférés

Voici les romans que nous avons aimé, les derniers chroniqués sont les premiers, bien qu'ils n'aient pas grand chose à voir avec Jean-Jacques Goldman. Il ne reste qu'à picorer.

Des femmes qui dansent sous les bombes

Viviane Hamy

18,00

Il est des lectures qui restent...

Mais qui sont ces femmes ? Peu importe, il vous suffit de savoir qu'elles sont originaires d'un pays de l'Afrique subsaharienne, un pays où la guerre civile fait rage. Elles sont incarnées par Séraphine et Blandine, victimes des exactions et autres massacres de milices, engagées volontaires dans l'armée régulière. Ces femmes sont des lionnes, c'est ainsi qu'elles se nomment. Elles deviennent de redoutables soldats, oubliant leur personne pour servir un destin, un pays rêvé en paix. Mais ici il n'existe pas de place pour les larmes et l’apitoiement. Ce sont bel et bien nos héroïnes qui nous poussent et nous inspirent, qui nous offrent leur puissance et leur humanité. Le deuxième roman de Céline Lapertot est d'une extrême finesse. Il se lit dans un souffle, à bras le corps. Des Femmes qui dansent sous les bombes vous habitera longtemps après avoir tourné la dernière page.


20,00

Attention ce roman est machiavélique... et addictif !

Daryl est originaire des grandes plaines céréalières des États-Unis, et comme bien des adolescents, il est en conflit avec ses parents. Alors pour se sortir de l'ornière familiale, il adopte une méthode plutôt radicale : il met le feu à la maison parentale en pleine nuit afin de se débarrasser d'une famille beaucoup trop encombrante pour sa destinée.
Les Loups à leur porte commence fort, ce roman nous happe immédiatement dans une ambiance à David Lynch. Et cela ne fait que commencer... Jeremy Fel, grâce à une construction très malicieuse, vient nous capturer dans sa toile, la construit peu à peu et ne nous lâche plus. Chaque chapitre nous raconte l'histoire d'un personnage, au début sans lien apparent entre eux. Mais une résonance commence à se faire entendre, à peine perceptible au début, qui gonfle peu à peu et finit par prendre tout son sens. Je vous assure que l'effet est garanti ! Jérémy Fel crée en nous une forme d'addiction, chaque chapitre appelle le suivant avec une forme d'urgence. Mais, dans le même temps, il joue avec nos sentiments et provoque en nous de belles contradictions entre attirance et gêne, allant parfois jusqu'au rejet.
Les Loups à leur porte est un roman d'exploration de la noirceur humaine. Jérémy Fel nous propose une galerie de personnages incroyablement riche : un certain Walter tellement mauvais qu'il en est simplement glaçant, Mary Beth obligée de quitter son anonymat afin de faire face à son passé, Duane qui décide de protéger un gamin qu'il connaît à peine, et tant d'autres encore : plus ou moins écorchés, psychotiques ou simplement dépassés. Alors d'où vient cette envie irrépressible de poursuivre notre lecture ? Parce que ce texte est de la littérature noire et blanche, grise en somme. Et cela lui donne une saveur et une ambiance toutes particulières.
Maintenant il est temps de plonger dans cette petite pépite. Mais une chose est sûre : nous sommes devant un premier roman assez fascinant, et qui en aucun cas ne vous laissera indifférents.


Éditions de L'Olivier

18,50

Souvenirs, souvenirs

Les Amygdales surprend immédiatement par son style très particulier. Cela vient peut-être de la manière dont le héros nomme ses proche, "le papa", "la maman", qui donne une impression de dédain. Mais on comprend vite que ce n'est pas seulement une fantaisie, que cela correspond exactement au mode de vie de cette famille dans laquelle évolue le personnage principal, cette famille que l'on pourrait presque qualifier d'aristocrate. Ils méprisent d'ailleurs le monde paysan, ont des domestiques, vivent quasiment dans un autre monde, voire dans une époque révolue. On est dans un univers de faux-semblants sous le couvert de la bienséance et du politiquement correct.
Gérard Lefort nous plonge dans des souvenirs d'enfance, et c'est le regard d'un enfant qui nous les décrit, mais ce sont des mots d'adulte qui jaillissent sur la papier. On n'est pas non plus dans une analyse des sentiments de l'enfant par l'adulte. C'est plutôt comme si l'histoire était racontée par un adulte enfermé dans le corps d'un enfant. C'est un enfant, mais il a déjà perdu la candeur, l'innocence de l'enfance. Le contraste est d'autant plus impressionnant que dans ce milieu où règne l'hypocrisie la plus totale, le héros est d'une franchise incroyable, même (et surtout) lorsqu'il s'agit de ses sentiments les moins nobles. Il est habité par des émotions assez violentes, notamment la haine. Il n'éprouve aucun remord, et son indifférence (en est-ce vraiment ?) est parfois troublante, dérangeante.
Mais le meilleur, ce sont les moments de pure invention qui ponctuent le récit. Le personnage est un solitaire. Étranger à sa propre fratrie, il n'a d'autre repli que son imagination foisonnante. C'est ainsi qu'il nous entraîne dans ses délires. Il réinvente l'Histoire, joue tous les personnages, vit des aventures absurdes, passe d'un camp à l'autre, de Marie-Antoinette sur l'échafaud, qu'il idolâtre presque pour ensuite la haïr, au naufrage du Titanic (encore mieux que le film !), en passant par une guerre imaginaire où il est à la fois le blessé et le chirurgien qui le charcute : c'est comme si on y était !


24,90

De l'art de ne pas tendre l'autre joue

Rencontre avec le héros, Peter Davidek, dont le patronyme est constamment écorché, comme une insulte, la première d'une longue liste qui va s’égrener tout au long de l'histoire. Autour de lui gravitent Noah Stein, qui sous ses airs provocateurs et une cicatrice physique impressionnante, cache une blessure qui, elle, ne se refermera jamais, Loreleï, qui va passer presque sans regret du statut de victime à celui de bourreau, sans soupçonner, sans comprendre sa propre motivation, et tous les autres, à la fois instigateurs et instruments du malheur, dans un environnement qui ressemble au Purgatoire, comble de l'ironie, pour un établissement catholique.
Toute ce microcosme évolue en effet à Saint Mike, Saint Michael the Archangel, alors qu'on ne peut guère imaginer un endroit plus abandonné des saints que celui-ci. Le bâtiment s'écroule, la pluie s'y infiltre, érodant les briques qui s'effritent doucement, laissant sur les murs des traces rouges comme le sang : un symbole qui prend tout son sens. La ruine physique du lycée n'est que le pâle reflet de sa dépravation morale, et les responsables, quand ils ne sont pas corrompus ou névrosés, sont vains. La violence traverse les couloirs comme une rumeur, elle est tellement acceptée qu'elle en paraît encouragée.
L'écriture est particulièrement puissante pour décrire cette atmosphère toxique. Ce ne sont pas seulement des phrases qui font mouche, ou de bons mots. Ce sont des passages entiers qui vous emmènent exactement là où l'auteur le voulait, sans que vous vous en rendiez compte, au moment où il est déjà trop tard, faisant de vous le complice involontaire de la cruauté de ses personnages. Chacun d'entre eux à sa part d'ombre, c'est le portrait – et le procès ? – de l'espèce humaine, pervertie et hypocrite par nature, qui doit lutter pour sa survie coûte que coûte. Même Davidek, qui espère qu'il est encore du côté des gentils, sait qu'au fond, il a perdu son innocence, et ne souhaite rien d'autre que de "voir sanctionnés [les gamins de St-Mike] comme ils le [méritent]". Il n'y a de salut, de rédemption pour personne.


H. Guay de Bellissen

Anne Carrière

17,50

Autopsie d'un coeur

Avez-vous déjà observé un cœur anatomique ? Un cœur, dans l'imaginaire, ce sont deux courbes qui se rejoignent, c'est de la rondeur, du rose et de l'amour. Mais le cœur, l'organe, est beaucoup plus complexe que ça : c'est du sang, des fluides, des membranes, ce n'est plus un sentiment, c'est la condition de l'existence, ce sont deux ventricules et deux chambres, que nous allons pouvoir observer de l'intérieur.
Mark David Chapman et John Hinckley, à l'instar de cœurs schématiques simplistes, ne sont, dans l'imaginaire populaire, que deux types paumés qui ont tenté, avec plus ou moins de succès, de tuer des célébrités. Mais qui étaient-ils vraiment ? Héloïse Guay de Bellissen ne nous dresse pas leur profil psychologique, elle n'analyse pas leur geste ou le parcours qui les y a amenés, elle nous raconte simplement leur histoire, sans jugement, mais avec beaucoup d'humanité. Elle ne nous demande pas de les comprendre mais seulement de les voir comme des êtres humains, avec leurs failles, comme un souffle au cœur de la société.
Héloïse Guay de Bellissen nous offre également une vision de l'Amérique complètement originale : celle d'une mère. Une mère nourricière, une mère infanticide, imparfaite et qui reconnaît ses erreurs et le cinéma comme son art le plus accompli, c'est le rêve américain à son paroxysme. Cette Amérique personnifiée nous décrit, sans langue de bois, ses réussites, qui l'ont rendue orgueilleuse, et ses échecs ; parmi eux, ses « enfants », ceux qu'elle a désavoués, ceux qu'elle aime quand même, comme une mère.
Et au milieu de tout ça, porte-drapeau de cette Amérique paradoxale, il y a Holden Caufield, héros désenchanté de l'Attrappe-Coeur de Salinger. Abandonné par l'auteur qui l'a rendu célèbre, il est condamné à n'être qu'une histoire, sans parvenir à – symboliquement – tourner la page. Mark David Chapman et John Hinckley sont les enfants qui ont sauté de la falaise et que Holden n'a pas pu empêcher de tomber.