L'autre, 2, Le maître des tempêtes
EAN13
9782700236743
ISBN
978-2-7002-3674-3
Éditeur
Rageot
Date de publication
Collection
Rageot poche (2)
Séries
L'autre (2)
Nombre de pages
352
Dimensions
18 x 12 cm
Poids
325 g
Langue
français
Code dewey
804
Fiches UNIMARC
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2 - Le maître des tempêtes

De

Rageot

Rageot poche

Indisponible

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Sommaire

Neige

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Le chant du dauphin

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Le cœur

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8

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Épilogue

Couverture de Didier Garguilo

978-2-700-23997-3

ISSN 1772-5771

© RAGEOT-ÉDITEUR – Paris, 2007-2009.

Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays.
Loi n° 49-956 du 16-07-1949 sur les publications destinées à la jeunesse.

Et puisqu'il est encore question
d'amour et de famille...
À tous ces gars qui ne sont pas de mon sang
mais qui sont quand même des frères
et qui se reconnaîtront.

Confortablement installé dans un fauteuil de cuir sombre, l'homme approcha son verre de ses lèvres. Il but une gorgée de bourbon puis reporta son attention sur l'écran plat accroché au mur. Le reportage exposait les conséquences dramatiques du raz-de-marée qui avait déferlé sur l'île de Kyushu au Japon. Des milliers de morts, des dizaines de milliers de disparus, la ville de Miyazaki rayée de la carte...

L'homme appuya sur un bouton de la télécommande.

L'épidémie de choléra qui avait débuté en Bolivie avait désormais rang de pandémie et ravageait la moitié de l'Amérique du Sud. Le vibrion responsable de la maladie se montrait résistant à toutes les souches d'antibiotiques testées jusqu'à présent et le nombre de victimes s'élevait déjà à plusieurs milliers...

L'homme appuya sur un bouton de la télécommande.

Les inondations en Europe de l'Est prenaient un tour catastrophique. Des digues cédaient, des villes étaient évacuées et les pluies torrentielles qui s'abattaient sur ces régions ne cessaient pas. Les météorologues se demandaient si ces précipitations d'une amplitude jamais vue étaient en rapport avec la tempête qui, depuis quelques jours, dévastait la péninsule Ibérique et le Sud-Ouest de la France...

L'homme éteignit la télévision.

Il se leva avec souplesse et s'approcha de la baie vitrée qui lui offrait une vue remarquable sur Florence, le palais Pitti et les jardins de Boboli. La journée touchait à sa fin. Sous un ciel orageux, l'Arno roulait des eaux glauques et tumultueuses chargées de détritus inhabituels dans une ville qui cultivait avec soin son image de référence culturelle internationale. L'homme sourit en apercevant une nuée de mouches tournoyer au-dessus du Ponte Vecchio.

Il réajusta ses lunettes noires et lissa du plat de la main le revers impeccable de son veston. Tout se déroulait comme prévu. Tout se déroulait en fait si bien que l'échec de Jaalab ne revêtait plus aucune importance.

Jaalab n'avait été que la Force, la partie la plus fruste de l'Autre, la moins puissante, la moins utile. Sa disparition serait sans effet sur le succès de leur entreprise.

Eqkter avait d'ores et déjà entrepris de tisser sa toile, attisant les conflits ethniques ou religieux, générant des tensions internationales qui entraîneraient des guerres sanglantes, jouant avec les âmes simples de ces humains dérisoires pour les amener à s'entre-déchirer. À accepter leur condition d'esclaves.

Lui, Onjü, entre deux tempêtes, allait s'occuper des gamins.

Avec finesse et élégance.

NEIGE

1

– Bon... Eh bien j'y vais.

– Tu es sûr de toi ?

– Certain. J'ai fait pas mal de parapente et je t'assure que le vent est idéal.

Shaé prit un air dubitatif.

– Le truc que tu as bricolé ne ressemble que de très loin à un parapente.

Natan jeta un coup d'œil à la toile étendue avec soin derrière lui. Il l'avait trouvée dans une des pièces de la Maison dans l'Ailleurs, pliée sur une armoire. Sa finesse et sa résistance l'avaient immédiatement intéressé. Il avait tiré les suspentes d'un tas de cordes dénichées dans une autre pièce et la sellette provenait du cuir d'un fauteuil. Il avait passé des heures à assembler le tout mais il devait admettre que le résultat paraissait peu fiable.

– Ça ira, ne t'inquiète pas. Je me contenterai de prendre de la hauteur et de tourner autour de la Maison. Je ne cours aucun risque.

Shaé lui décocha un regard sombre. Son ridicule montage de ficelles et de toile pouvait se déchirer à tout moment et il ne possédait évidemment pas de parachute de secours. De plus, à supposer que ce qu'il appelait parapente résiste, rien ne prouvait qu'il pourrait revenir à son point de départ. Et s'il atterrissait dans la Pratum Vorax...

Elle le quitta des yeux pour observer le panorama que lui offrait leur position élevée.

Ils se trouvaient au sommet d'une des plus hautes tours de la Maison dans l'Ailleurs, une Maison à l'architecture démentielle, une Maison immense constituée de multiples ailes accolées, de toits surplombants, de balcons audacieux, de murs vertigineux ou écrasés par des encorbellements, de piliers trapus et d'arches élancées, de larges fenêtres en ogive et de minuscules embrasures, d'arcs-boutants en pierre de taille et de terrasses pavées de verre. Une Maison inouïe, née de l'imagination débridée d'architectes puisant leur inspiration dans les créations des bâtisseurs les plus fous. Une Maison extraordinaire, une Maison onirique et autour d'elle...

Une prairie.

Infinie.

Déployant ses ondulations émeraude jusqu'à l'horizon où que se tournât le regard.

La Pratum Vorax.

La prairie dévoreuse.

L'herbe qui y poussait lançait ses tiges grasses et ses vrilles acérées à l'assaut des corps étrangers qui se risquaient à portée. Pierre, bois, métal, chair... rien ne lui résistait. Vorace et insatiable, elle dévorait tout en quelques secondes.

– Bon... Eh bien j'y vais.

L'attention de Shaé revint se fixer sur Natan. Le vol qu'il s'apprêtait à effectuer était inutile. Inutile et dangereux. Il n'apprendrait rien de plus qu'elle.

Elle avait beau savoir qu'il agissait ainsi pour s'offrir une illusion de liberté et non pour glaner d'improbables informations, il risquait néanmoins stupidement sa vie.

Son ventre se noua. Elle eut envie de se jeter dans ses bras pour le convaincre de rester là, avec elle. « Natan, si tu me quittes, je ne suis plus rien. Je t'aime, Natan, plus que personne n'a jamais aimé. »

Ses mots restèrent pensées.

Muette, elle se contenta de reculer d'un pas lorsqu'il lui tendit la main.

Un sourire triste étira les lèvres de Natan. Depuis dix jours, ils étaient prisonniers de la Maison. Non qu'ils ne puissent en sortir mais certains s'ils en sortaient d'être abattus par les miliciens qui surveillaient les portes. Dix jours durant lesquels la flamme de son amour pour Shaé était devenue un brasier dévorant. Dix jours qu'il se consumait de ne pas caresser sa peau, embrasser sa bouche, sentir son corps frémir contre le sien. Il aurait tant voulu...

Il ferma les yeux une seconde pour contrôler ses émotions et faire taire son désir. Shaé ne supportait pas qu'on la touche. Ne supportait pas qu'il la touche.

Il avait confiance. Tôt ou tard il renverserait cette ultime barrière se dressant entre eux.

La terrasse sur laquelle ils se tenaient se prolongeait par un toit abrupt couvert de tuiles colorées. Natan prit une profonde inspiration et s'élança.

Le sang des Cogistes coulait dans ses veines, lui offrant une maîtrise absolue de son corps, le rendant capable d'exploits physiques à faire pâlir les plus grands athlètes. Tout autre que lui, harnaché à ce parapente de fortune, se serait immanquablement écrasé vingt mètres plus bas.

Natan, lui, atteignit en une fraction de seconde une vitesse sidérante et jaillit vers le ciel. Puis la gravité reprit ses droits et il tomba comme une pierre. Il tira alors d'un coup sec sur les suspentes. La toile se déploya au-dessus de sa tête, enrayant sa chute. Il demeura un instant à mi-hauteur de la Maison avant de capter un vent ascendant et de commencer à s'élever.

– Ça marche ! hurla-t-il à Shaé. Je vole !

Shaé sourit. Il appelait ça voler.

Ne comprenait-il pas qu'être suspendu à une voile encombrante et peu maniable était une expérience aussi éloignée du vol que la pratique du pédalo l'était d'une régate en haute mer ?

L'ivresse de la vitesse, la délicatesse des appuis sur les microcourants, les changements ...
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