Florence R.

Conseillé par (Libraire)
12 octobre 2023

Pertinent

Johanne Rigoulot est née à Chalon-sur-Saône à la fin des années 70. De ces années-là, elle en garde des souvenirs intacts, la nomenclature de la ville, l'école élémentaire publique où la mixité sociale règne pour de vrai, l'enfance heureuse entourée et choyée par des parents humanistes. Puis le divorce de ses parents, puis la rupture avec l'école publique pour le privé, puis les changements urbains et politiques rebattront les cartes. Un autre monde se dessine pour Johanne, pour tous.
Ce passé, Johanne Rigoulot s'en empare à bras le corps pour tâcher de comprendre la destinée de Sara, ancienne camarade de classe, coupable du meurtre ignoble d'une vieille dame à Chalon-sur-Saône. Quel a été le point de bascule ? Cette destinée tragique était-elle inéluctable ?

Construit comme une enquête, l'autrice confronte deux trajectoires, la sienne, et celle de Sara. Tout les oppose, le milieu social, la maltraitance pour Sara, les incohérences d'un système qui la condamnent de facto au pire. Et de fait.
Johanne Rigoulot livre ici un récit fouillé, érudit, documenté et passionnant sur la France des années 70/80, se nourrissant de son expérience personnelle de "fille de province".

Face B

Charles Salles

Table Ronde

22,00
Conseillé par (Libraire)
8 octobre 2023

Nightclubbing

Rien ne semblait prédisposer Alain Pacadis à devenir l'icône glam-punk des nuits parisiennes fin 70. Pas franchement taillé pour, un physique ingrat, un peu de guingois, loin des canons esthétiques d'un showbiz surclinquant. Et pourtant très vite, il aura ses entrées au Palace, haut lieu branché de l'époque, devenant l'une de ses figures emblématiques.
Ces années-là et tout ce qui l'entoure, c'est ce que raconte Charles Salles dans ce roman incroyable et ultra-dense. Parce que "Paca" à tout d'un personnage de roman et de cinéma, ses débuts timides et complexés, sa relation forte avec sa mère, ses années à Libé - époque la plus foisonnante du journal où ils côtoient les plus grands de l'underground international (Warhol, Basquiat, Iggy Pop, Bowie, etc.)
Les nuits sont longues, Paca est dans l'excès en permanence, frôlant la mort à tout instant. Mais qu'importe, il continue tout en réussissant (prouesse) à écrire ses chroniques sexe, drogue et rock'n'roll avec un ton bien à lui. Le journaliste gonzo dans toute sa splendeur. Charles Salles réussit à retranscrire avec brio l'époque et ses frasques, tout en retraçant la vie chaotique d'Alain Pacadis, ses origines familiales qu'il met du temps à sonder.
Au fil de la narration, on s'attache à ce personnage tragique, déglingué, hors normes, figure d'une époque pour le coup bien révolue.

18,00
Conseillé par (Libraire)
3 octobre 2023

Délicat et érudit

Sylvain a perdu son père. Ce père étonnant, à la marge si l'on considère la fortune et le rang social de sa famille. Les Dubois des Aulnays une dynastie d'industriels lorrains influente.
Ce père qui s'est essayé à de nombreux métiers ; parfois ingrats, pour avoir le loisir de choisir à sa guise, se rêvant caméléon. Ce père qui s'est donné la mort sans laisser le temps à Sylvain de lui dire à quel point il l'aime. Alors Sylvain va tâcher de lui faire honneur en choisissant un métier singulier. Il sera orchidéiste. Formé à l'école de l'humilité, Sylvain va faire son apprentissage auprès d'un homme qui lui confiera par la suite les rênes de son commerce. Sylvain devient es spécialiste de cette fleur si particulière. Se posera ensuite la question de la transmission de tout ce savoir acquis. Sylvain espérant céder sa place à son second, mais rien ne coule de source pour celui dont les racines ont été rompues. Sylvain tentant de panser ses blessures si vives en se vouant corps et âme à ces fleurs si fragiles et si nobles.
Un roman d'une infinie délicatesse, sur le deuil, impossible, d'un père disparu trop tôt, trop brutalement.

26,40
Conseillé par (Libraire)
28 septembre 2023

Follement captivant

Les sœurs Chapel sont six, et ont de jolis prénoms. Filles de l'homme à la tête d'une entreprise d'armes à feu célèbre, le peu avenant Henry Chapel, les voilà promises à un avenir "radieux", bien conventionnel. Et pourtant... le sort semble s'acharner sur la destinée de chacune d'entre elles. À peine mariée, l'aîné Aster va succomber. Mais de quels maux ? Cette tragédie est-elle vouée à se perpétuer sur la fratrie ? Leur mère Belinda, sorte de pythie fragile, paraît être la seule à savoir... adoubée par la petite dernière, Iris, très rapidement mis au ban par les autres.
Mystère et étrangeté nous happent dès les premières pages de ce roman aux forts accents gothiques. On suit envoûtée la trajectoire de chacune de ces jeunes filles confinées dans un huis clos étouffant où le désespoir et la langueur côtoient un certain désœuvrement. Un père absent et autoritaire, une mère rapidement évincée pour sa supposée folie. Chacune des jeunes filles dépeintes semblent tout droit sorties des peintures pré-raphaélites ("l'Ophélie" de John Everett Millais siérait à merveille à l'une des sœurs, Daphné). Des femmes à la destinée funeste.
La cruauté du conte matinée de fantastique, voilà la jolie prouesse de Sarai Walker ! Une réussite du genre et une belle surprise de lecture pour ma part !

Vincent Quivy

Éditions de l'Observatoire

20,00
Conseillé par (Libraire)
16 septembre 2023

L'histoire d'une quête

Il sera question ici de luttes. Double. Celle d'un père, activiste violent, poursuivi par les autorités, contraint de fuir et de laisser temporairement son fils. Et celle d'un adolescent de 17 ans, obligé de subir les actions de son père dont il ignore les enjeux et qui sembleraient même l'indisposer. Ces actions entravant sa vie d'adolescent lambda. Le voilà alors en transit avec sa mère – vulnérable, à Palma de Majorque, obligé d'attendre... un signe de son père. Malgré ce climat incertain, il y fait des rencontres, dont celle d'Esteban, sorte de double inversé, qui va profondément changer la donne.

Un roman captivant, dont la tension ne cesse de croître. On suit le cheminement de cet adolescent, pris en étau entre ce père redouté et ses désirs d'émancipation. La narration à la deuxième personne renforce cet aspect-là, sur le qui-vive en permanence, le narrateur n'aura de cesse de lutter, pour tâcher de vivre loin de cette figure paternelle écrasante.