Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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21 juin 2016

Une première que ce défilé de lingerie avec le bikini en vedette. C'est le but de la collection Incipt dont ce court roman fait partie que de parler des premières fois. Je ne connais pas l'auteure, ne l'ai jamais lue et si je ne suis pas totalement conquis, j'ai bien aimé sa manière de s'approprier la petite et la grande histoire qui constitue le contexte réel du roman et de le mêler à ses personnages de fiction. C'est bien fait, parfois malheureusement malhabile ou peu fluide, comme lorsque Antoine raconte son expérience de maquisard dans l'Ain et qu'il énumère les noms des créateurs du réseau de Résistance auquel il appartenait, le mouvement Espoir (p.58/59), ça ne fait pas très "dialogue" à l'oreille en plein milieu d'un défilé, on est plutôt dans la volonté de placer des références, de rendre hommage à certains combattants, ce qui est louable, mais ça manque d'articulation. De même, la romancière jette ça et là des noms de gens qui ont plus ou moins collaboré ou ont au moins fait preuve de complaisance à l'égard des nazis, comme "Danielle Darrieux, la célèbre "D.D." qui travaillait pour la Continental société de production aux capitaux allemands créée par Joseph Goebbels, et qui avait fait le "voyage à Berlin" organisé par la Propagandastaffel..." (p.14), mais elle oublie de dire que D.D. a fait ce voyage contrainte et forcée pour tenter de faire libérer son mari incarcéré en Allemagne. Une précision importante et manquante.

Mis à part ces quelques agacements, Éliette Abécassis réussit à aborder la question de la féminité, du féminisme, de la place de la femme dans la société, elle qui suppléa l'absence des hommes au travail et à qui, du jour au lendemain on demande de reprendre son rôle d'épouse et de mère au foyer. Grâce à ce bikini, les femmes peuvent enfin se sentir libres dans leurs corps, mais c'est aussi le début des diktats de la mode. Elle parle aussi des théories communistes qui se font jour après la libération d'une grande partie de l'Europe par l'URSS et qui s'opposent au capitalisme qui déferle avec l'autre grand libérateur du continent, les USA.

Enfin, pas mal de point abordés dans ce court roman (84 pages) illustré par Thibault Balahy, qui confirme que cette collection Incipit mérite qu'on s'y arrête un petit moment.

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21 juin 2016

Un roman noir qui débute doucement avec des personnages ordinaires, blasés, désabusés qu'une petite étincelle saura remettre en vie au moins pour un moment, celui de cette histoire. Confrontés à la médiocrité de leur vie, à la monotonie, ils s'enfoncent irrémédiablement dans une certaine torpeur, se laissent aller à la dérive sans rien faire, tout en s'apercevant bien qu'ils sombrent, comme s'il leur était impossible d'agir seuls, de lutter seuls contre l'inéluctabilité de leur destin. Un fait, pas toujours joyeux ou une conséquence malheureuse de leurs actes les obligera à enfin réagir pour se retrouver dans des situations difficiles et dangereuses qui leur permettront de sentir de nouveau la vie et tout ce qu'il leur reste à accomplir.

Dit comme cela, ça ne paraît pas hyper gai. De fait, ça ne l'est pas. C'est du roman noir dans lequel la drogue, le sexe et l'alcool sont omniprésents. L'alcool particulièrement, je ne bois pas en une semaine -voire en un mois- ce que certains éclusent en une soirée... heureusement pour mon foie. Histoire classique, écriture itou. Pas de grosses surprises, ce n'est pas un roman qui fait grimper aux rideaux -ce qu'il vaut mieux éviter de faire, sauf à vouloir se retrouver par terre, enroulé dans des voilages et assommé par une tringle qui n'aura pas supporté notre poids-, mais il est du genre qui se lit très agréablement de bout en bout. Ce qui est surtout notable et bien travaillé, c'est l'évolution des personnages principaux, leur prise de conscience de leur descente et l'aide apportée de l'extérieur dont ils se saisissent pour tenter de remonter la pente.

Un roman noir publié chez Jigal polar c'est forcément bien, celui-ci n'est pas une exception. Un auteur que je relirai très volontiers.

Les toutes premières lignes :

"Le lieutenant de police Franck Mattis somnolait sur le siège passager d'une voiture de type utilitaire aux vitres sans tain. Il planquait, avec Rémi, son coéquipier, devant un immeuble haussmannien de la rue d'Alésia dans le 14eme arrondissement de Paris." (p.9)

Cohen & Cohen éditeurs

20,00
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21 juin 2016

Nouveau titre de la collection Art noir chez Cohen&Cohen. Nouvelle belle lecture, cette fois-ci comme son titre l'indique, autour de Paul Gauguin. Alambiqué, très habile et original dans sa construction, ce polar ne se lâche pas une fois ouvert. De nombreux intervenants dont on se demande ce qu'ils font là avant que l'auteure ne vienne nous l'expliquer. Elle procède de la même manière en nous énonçant des faits qu'on ne comprend pas trop avant de tout éclaircir avec les pages suivantes : le premier chapitre peut décontenancer un brin, mais très vite, on retombe sur ses pieds. En fait, on avance au rythme des enquêteurs au début du roman et puis on entre petit à petit dans la tête du manipulateur sans tout comprendre au départ, ce procédé, largement utilisé par d'autres auteurs de polars rajoute du suspense car on est à la fois dans la tête des enquêteurs qui ne comprennent pas tout et dans celle de celui qu'ils recherchent qui sait tout mais n'en dit que peu. Le suspense ne tombe qu'à la toute fin, l'originalité de l'intrigue est alors dévoilée et ne déçoit pas malgré toutes les attentes qu'elle a suscitées.

En prime à cette intrigue bien menée et magistralement maîtrisée, Marie Devois nous dévoile Paul Gauguin sous un jour nouveau. Le peintre est bien sûr décrit dans son travail, mais aussi dans sa vie privée, ses bassesses par jalousie, son goût des très jeunes filles-modèles aux Marquises : "Il écrit qu'il est venu aux îles Marquises car on peut y trouver des modèles pour une poignée de bonbons. Des gamines sans défense, des filles toujours plus jeunes qu'il entraîne à l'étage de sa case entièrement tapissée de photos porno pour leur faire l'amour. Quel porc ! Quant tu sais qu'en plus il était syphilitique et qu'il avait le corps couvert de plaies..." (p.163) Son œuvre reste, bien sûr, mais l'homme descend de son piédestal, il fut, d'après ce qu'on lit dans ce roman, un type détestable.

Cette collection Art noir est vraiment très réussie, Marie Devois y collabore pour la troisième fois -je n'ai pas lu les deux précédents. Un roman noir dans le monde de l'art c'est toujours du plaisir de lecture et du suspense associés à de la culture. Et malgré le thème central commun à toute la collection, les divers romans que j'ai eus entre les mains, outre le fait qu'ils m'ont tous plu, sont très différents dans l'écriture, l'artiste concerné, les intrigues, et les styles littéraires. ... Preuve qu'Art noir mérite toute notre attention.

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21 juin 2016

La collection Incipit dont cet ouvrage fait partie "propose à des grands écrivains de redonner vie à une première fois historique et d'en faire un objet littéraire personnel." Pari réussi pour Philippe Jaenada qui a décidé de parler des premiers Jeux Olympiques de l'ère moderne et plus particulièrement de ce fameux Spiridon. Il y a longtemps que je n'ai pas lu cet auteur, et je retrouve avec bonheur son écriture un brin moqueuse, légère, énonçant de choses sérieuses sur un ton volontairement rieur. Parenthèses et tirets sont bien présents qui sont la marque de fabrique de l'écrivain, ils lui permettent de donner son avis, de digresser, d'interpeller le lecteur, de le prendre à témoin, ... Lire ses descriptions des diverses épreuves est un régal ; si les commentateurs sportifs étaient aussi drôles, nul doute que je pourrais éventuellement, en fonction des circonstances, si rien d'autre ne me retient ailleurs et bien sûr sous réserve que je trouve la télécommande du téléviseur, m'intéresser au sport et peut-être même en regarder. Parfois. Il décrit à merveille l'arrogance des Étasuniens, le manque de stratégie d'Albin Lermusiaux, français, qui eut pu gagner en ne partant pas toujours comme une fusée, les voyages épiques de certains athlètes venus en Grèce à leurs frais et arrivés fatigués, l'un deux, australien, Teddy Flack, qui se soigna à l'ouzo... A chaque fois il enjolive l'anecdote qu'il raconte par une tournure drôle, une raillerie, ...

Mais il sait aussi parler de choses sérieuses, comme l'absence des femmes et même l'estime en laquelle les tenait Coubertin -et bien d'autres-, en 1901 : "Le rôle de la femme reste ce qu'il a toujours été : elle est avant tout la compagne de l'homme, la future mère de famille, et doit être élevée en vue de cet avenir immuable." Onze années plus tard, il renchérira : "Une olympiade féminine serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte." Même en remettant ces propos en leur époque, il semble que le baron ne fut point très avant-gardiste ni même n'eut bon goût, parce que personnellement, quitte à regarder du sport, je préfèrerais regarder des filles, mais bon, je vous rassure, je ne regarde personne.

Bien vu donc ce petit livre (à peine 170 pages sans compter le petit dossier final sur ces premiers Jeux Olympiques) qui sait nous cultiver dans la bonne humeur.

PS : la couverture est signée Christian de Metter, lu ici dans ses adaptations de Shutter island et Au revoir Là-haut.

Deux enterrements à Ornans

Flamant Noir

19,50
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21 juin 2016

La maison Flamant noir s'étoffe : après des polars humoristiques, du réalisme, du jazz, des thrillers, voici un polar doubiste pointilleux, qui explore toutes les pistes méticuleusement ; il pourrait être qualifié de drôle parfois, de réaliste parfois. Pour l'apprécier, il faut savoir prendre son temps ; le lieutenant Fabien Monceau qui ne sait pas le faire est plus d'une fois remis à sa place par Bruno Morteau. Si vous connaissez Besançon, Ornans, les plats et les vins régionaux, vous ne serez pas perdus parce que Morteau est un amateur de bonnes tables et de plats roboratifs accompagnés de savagnin et/ou de poulsard et ne dédaigne pas une bière entre les repas -enfin, une ou plusieurs. Si vous ne connaissez rien à cette région, ne vous inquiétez pas, ne fuyez pas, au contraire, vous aurez très envie d'aller la visiter, je parle d'expérience.

Morteau est alcoolique, divorcé, seul, son âge n'est pas dit, mais il a dépassé la cinquantaine, amoureux de sa région, rien ne pourra l'en faire sortir, il se plaît à nous la faire visiter. C'est un laborieux qui explore toutes les pistes, qui est donc lent et ne se base que sur les faits et jamais sur des hypothèses, des suppositions. Un acharné des faits qui recadre sans cesse son lieutenant qui lui, part tout de suite dans des déductions hâtives : "Morteau haussa les épaules et préféra ne pas polémiquer. Il aimait bien Monceau, mais cette façon de vouloir sauter directement aux conclusions sans prendre le temps de les étayer l'agaçait." (p.132) Ça tombe bien, moi non plus je n'aime pas les flics -dans les livres ou les séries- qui échafaudent tout de suite des hypothèses, c'est souvent tiré par les cheveux et lorsque la solution est au bout d'une de leurs idées, on voit la grosse ficelle. Donc Morteau est à mon goût, un mix de Maigret, Colombo, Wallander, le Doubs en plus, l'alcool itou ; il roule en 404 lorsqu'il ose conduire, est un peu négligé, mal rasé, mal sapé, ... Bon, j'avoue un petit -tout petit- agacement dans les répétitions des hypothèses de son second et des "remises en place" du commissaire, ça devient presque un peu "too much", mais passé cela, ce roman policier est très bien.

Après avoir parlé des personnages, parlons de l'intrigue. Titré L'origine du crime, sous-titré Deux enterrements à Ornans, il ne vous échappera pas que ce polar fait référence à Gustave Courbet, enfant du pays, qui a peint L'origine du monde et Un enterrement à Ornans, entre autres. Trafic de tableaux, faux ou volés ou les deux en même temps, tous en référence au peintre. Si vous ne connaissez que peu Courbet, eh bien, c'est comme pour le pays, vous ressortirez de ce polar un peu plus initiés. C'est quand même vachement bien ces romans qui, sous le prétexte de nous divertir avec un flic peu conventionnel et une intrigue policière, nous instruisent -ou vice-versa. En plus, dans celui-ci, vous n'avez la solution qu'en toute fin, bien difficile à découvrir avant que le commissaire Morteau ne l'énonce. Alors, pourquoi se priver ? Apprendre en se faisant plaisir et en se distrayant, il n'y a rien de mieux.