Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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24 mai 2017

C'est Sibylline, du site Lecture-Ecriture qui m'a récemment interpellé car l'auteur du mois (en fait avril et mai) sur son site, c'est Nick Toshes et qu'elle était étonnée de ne rien voir de lui chez moi. Normal, je ne connaissais pas. Nick Toshes est poète, écrivain, biographe et journaliste spécialiste du rock étasunien. Dans sa bibliographie, j'ai choisi son premier roman, écrit en 1988 et traduit chez Gallimard en 1996 (il aurait bénéficié d'une première traduction et sortie chez Gérard de Villiers en 1989, sous le titre Les pièges de la nuit, si Wikipédia dit vrai).

Voilà un vrai roman étasunien, ça fleure New-York, les petites arnaques, les bars louches et leur fréquentation de drogués, alcooliques, joueurs, filles cherchant un mec pour la soirée et inversement, ... Les rues sont pleines de gens pauvres, largués par la société, qui se débrouillent. Et au milieu de tout cela Louie se promène, tente de récupérer l'argent qu'il a prêté, il s'est lancé dans la carrière d'usurier, mais Louie est trop gentil, n'a ni les méthodes ni la violence des usurier habituels, l'argent ne rentre donc pas si facilement...

C'est un roman noir, mais pas seulement, Nick Toshes s'attarde longuement sur des pans entiers de la société new yorkaise, sur le racisme, le sexisme, le machisme, le féminisme, la pauvreté. C'est un langage direct, oral qui lorgne parfois très franchement sur la poésie. On visualise bien les situations, les dialogues pourraient être filmés, ils sont souvent drôles :

"L'amour par téléphone, déclara le vieil homme d'un air solennel. C'est nouveau. Tu appelles, tu payes et la nana te cause. Ils en ont parlé à la télé dans l'émission de Donahue l'autre jour. Tu te rends compte ? Payer une bonne femme pour qu'elle cause ! C'est comme payer un oiseau pour voler !" (p.58)

Certes, un peu machiste, mais c'est un peu le genre qui veut cela, on reste dans le genre roman noir étasunien des années 80/90, très masculin. Ma réserve -assez importante tout de même- viendrait de l'arnaque montée par Giovanni et que l'auteur raconte par le menu, et là, je dois dire que je fus largué, c'est technique et finalement peu important -pour moi (les chiffres, les chiffres, décidément ce n'est pas mon truc). Je suis parvenu à saisir l'essentiel du message sans comprendre l'arnaque dans les détails, j'avoue même avoir passé les -nombreuses- pages la décrivant assez vite.

Malgré cela, je me dois ici de remercier Sibylline, car grâce à elle, j'ai découvert un auteur qui dans un genre parfois un peu superficiel se distingue par la profondeur de son propos et de ses personnages. Pas si mal.

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24 mai 2017

Pas inoubliable mais loin d'être désagréable, tel pourrait être mon résumé laconique de ce roman. Il démarre très fort, un langage jeune, moderne, pas mal d'humour dans les personnages un peu décalés, dans les expressions, je me dis que je vais passer un excellent moment.

"Finalement, il est sorti à la suivante, à la hauteur de Longjumeau. en voyant le panneau, je me suis dit que c'était la ville où les 2Be3 avaient passé leur enfance. Puis je me suis demandé comment je pouvais savoir un truc pareil, c'était pas vraiment ma génération ces trois couillons. Ça m'a un peu turlupiné en suivant de pas trop loin la Mercedes. Pas longtemps." (p.19)

Ce qui est le cas jusqu'au milieu du livre, et puis, un petit coup de mou, je ne sais pas si c'est le mien ou celui du romancier. Des longueurs, des répétitions, on tourne en rond, comme les trois copains d'ailleurs. Il y a toujours ici et là des pages plus intéressantes, plus drôles, même si cette fin de roman est nettement moins légère que son début. Je frôle l'agacement et l'épuisement lorsque la petite lueur -l'indice- vient mettre le feu au final et je retrouve de l'allant pour aller au bout des aventures de Jules, Virgil et Nico.

Globalement, je garderai l'idée d'un roman agréable, un peu long (les 280 pages auraient pu être condensées), des mecs sympas, décalés, un peu glandeurs, pas mal alcoolisés, perdus et qui se découvrent des ressources qu'ils ne soupçonnaient pas, des amateurs quoi ; c'est cela qui les rend touchants, attachants et sympathiques. On n'a pas envie qu'il leur arrive des bricoles, ils pourraient être nos fils, neveux, frères, cousins (rayez la mention inutile). Des à-peine trentenaires qui découvrent la vie, une sorte de roman initiatique moderne, très ancré dans la société actuelle.

22,50
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24 mai 2017

Taipei est la capitale de Taïwan. Plusieurs écrivains contemporains écrivent sur cette ville devenue métropole. Jane Jian, Shu Kuo-chih, Lin Yao-teh, Walis Nokan, Lo Yi-chin, Wu Ming-yi, Chi Ta-wei, Chang Wan-k'ang, Chou Tan-ying. Chacun apporte sa vision de la ville et ses personnages souvent venus de lieux assez éloignés de Taipei.

C'est donc une grande diversité de points de vue, certains très réalistes voire même autobiographiques telle la première nouvelle, d'autres plus oniriques, même s'ils partent d'un point de départ on ne peut plus terre-à-terre, raconter la ville. Les légendes chinoises, les histoires de la ville, les apports des habitants venus des quatre coins du pays, parfois de populations très anciennes et ayant presque disparues, absorbées dans la ville et plus globalement dans le pays. Chaque nouvelle est une histoire particulière qui apporte un lot d'informations mais aussi des ressentis de cette métropole, son côté village ou petite ville de province avec son marché, ses rues étroites, ses échoppes... A propos d'échoppes entre les nouvelles se glissent des pages écrites par Shu Kuo-chih sur ses escapades gourmandes dans la ville. Ce sont de petites boutiques où le cuisinier cuit sur place et à la demande des nouilles, de la soupe, du curry, ...un véritable guide des bons endroits pour qui veut visiter la ville de Taipei. Si l'on m'offre le voyage, j'emporte ce livre pour savoir où manger bien... avis aux voyagistes susceptibles de m'offrir le voyage (tout frais payés, il va sans dire...)

C'est donc sans sortir une nouvelle particulière de ce recueil que je fais ma chronique ; une plongée totale dans la métropole dans laquelle se côtoient des gens très différents qui en font sa richesse, même si certains sont harcelés du fait de leurs origines ou si d'autres sont obligés d'accepter des jobs dégradants pour survivre. Les écrivains choisis ne nous épargnent pas les difficultés mais magnifient néanmoins cette ville fascinante. Mon article ne serait pas complet si je ne citais pas les traducteurs, dans l'ordre d'apparition : Wu Ching-ji Soldani, Coraline Jortay (pour toutes les chroniques culinaires), Marie Laureillard, Marie-Paule Chamayou, Lise Pouchelon, Gwennaêl Gaffric (qui signe aussi l'excellente préface qui permet d'en savoir plus sur Taipei et sur les écrivains du recueil), Olivier Bialais, Damien Ligot, Mélie Chen. Beau travail de la maison L'Asiathèque.

20,00
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24 mai 2017

Comme toujours dans la collection Art noir de chez Cohen&Cohen, l'art est au cœur de l'intrigue. Cette fois-ci, plus qu'une œuvre ou qu'un peintre, c'est tout le musée du Louvre qui est le lieu quasi unique du roman. Si le fond du problème peut sembler anodin aux amateurs de thrillers, de polars avec des morts à toutes les pages, l'enquête n'a pourtant rien à envier à ces ouvrages. Ce coté un peu léger fait même mon bonheur, car je peux lire tranquillement les aventures de Nicolas Lesur sans craindre un déferlement de violence. Et puis en prime, Brigitte Joseph-Jeanneney nous fait la visite du Louvre, parle de certaines œuvres, des célèbres et d'autres moins, La Joconde bien sûr, Le radeau de la méduse itou, ... mais on suit aussi en partie les visites d'une charmante conférencière qui s'intéresse -et nous intéresse- à la collection du marquis Giovanni Pietro Campana Di Cavelli. Son histoire est passionnante et véridique : collectionneur compulsif, arrêté et sauvé par Napoléon III, l'auteure en parle formidablement bien.

Son roman tourne parfaitement, il aurait pu aller jusqu'au bout sans que je me lasse, mais une belle surprise, un retournement final permet de prendre encore plus de plaisir aux dernières pages. Finalement assez original ce polar qui ne pet en scène aucune mort, aucune torture. Il est ancré dans le quotidien du Louvre, certes un peu bousculé, mais dans un rythme tranquille ; on est plus dans un bon Columbo que dans un épisode d'une série virevoltante. Et du coup c'est reposant et ça fait un bien fou.

14,00
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3 mai 2017

Sybille vient passer quelques jours de vacances dans une maison isolée dans un hameau déserté de Bourgogne. Plutôt citadine, la voici arpentant les sentiers rudes et à peine dessinés, traversant des champs, grimpant et descendant des collines. Elle se perd, se retrouve grâce à des habitants qui la guident, la mènent, lui plaisent, lui font peur. Sybille découvre la nature, s'aventure se découvre et découvre mille et une espèces vivantes, faune et flore.

Texte éminemment beau, lent et décrivant superbement la nature. C'est du contemplatif, il faut aimer, mais si on se laisse porter on sera transporté. Sybille guide le lecteur dans la région qu'elle habite temporairement qui la découvre avec elle : les plantes, les oiseaux, les cours d'eau, les vents, la nuit, le jour, ... Tout est découverte, étonnement, peur parfois lorsque les bruits sont inquiétants.

Superbe, fin,sensible, ... il n'est pas assez d'adjectifs dans mon vocabulaire pour parler de ce roman, un premier roman d'un écrivain né en 1947. L'écriture est ciselée, très belle, tout coule comme l'eau des ruisseaux décrits. Court roman qui a obtenu le Prix de la page 112, de justesse puisqu'il n'en compte que 120. Allez, pour finir, un extrait de cette fameuse page 112 :

"On voit très loin, mais à partir de quinze vingt kilomètres les choses sont un peu floues et vers l'horizon ce sont juste des dos et des hanches grises. Mais devant, chaque arbuste, dans la forêt chaque frondaison, tous les oiseaux qui montent au-dessus pour mieux circuler ; des myriades d'insectes qui brillent au soleil ; tout se sait. Et cela n'est rien, ce qui réveille c'est la force des choses."