Ederlezi, Comédie pessimiste

Velibor Colic

Gallimard

  • 4 juin 2014

    "De mon vivant, j'étais de partout et de nulle part, j'étais tout le monde mais aussi personne. J'étais un grand soleil et parfois des nuages; tantôt l'ombre mais très souvent la lumière. J'étais l'eau fraîche et le sang chaud, l'enfant illégitime de chaque nation. Moustachu, barbu et pieds nus; j'étais le saint des pauvres et le sel de la terre. J'étais l'oiseau, les percussions et chaque instrument à cordes. Compteur et conteur, poète et chanteur. J'étais celui qui porte le violon sur son épaule; celui qui rendait vos rêves possibles. J'étais voyageur, fou du roi, paysan sans terre et apôtre, témoin et traître.J'ai fait mille fois l'amour et jamais la guerre"

    Entrer dans le texte de Velibor Colic, c'est pénétrer dans un univers proche de celui de Tony Gatlif et d'Emir Kusturica avec le chant "Ederlezi" en écho. Ederlezi est une fête célébrant l'arrivée du printemps, festival de tous les Roms (chrétiens, musulmans ou autres) pour la communauté gitane.

    C'est le récit-odyssée d'un orchestre tsigane mené par Azlan Baïramovitch, chanteur et guitariste, exterminé en 1943 dans le camp de Jasenovac en Croatie. Personnage d'outre-tombe, le lecteur accompagne le récit de ce personnage poétique et mystérieux, tour à tour incarcéré dans une prison politique en Yougoslavie en 1946, couronné roi des tsiganes en Serbie en 1973,fusillé en 1993 dans son village natal, assassiné par un nazi dans La Jungle, camp de réfugiés de la ville de Calais en 2009.L'écrivain charme avec sa verve de conteur.Le lyrisme des portraits souligne les temps forts où la communauté tsigane fut encore plus contrainte qu'elle ne l'est déjà d'ordinaire.L'histoire se nourrit de mythes, de rumeurs et de légendes et Velibor Colic s'attache au destin singulier et tourmenté d'Azlan Baïramovitch dans ce cirque ambulant, ce joyeux désordre de la vie.Dans cette comédie pessimiste, l'auteur illumine la destinée d'un peuple sur la route de la lumière.Le personnage d'Azlan parcourt une double distance, celle du temps et de l'espace.

    L'excipit scande la destinée tragique d'Azlan en parallèle à la vie sombre et étriquée du meurtrier nazi, dans les ténèbres opaques de la haine raciale.