EAN13
9782365123891
ISBN
978-2-36512-389-1
Éditeur
Croquant
Date de publication
Collection
Hors collection
Nombre de pages
320
Dimensions
20,5 x 14 x 2,5 cm
Poids
416 g
Langue
français
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Pourquoi tant de votes RN dans les classes populaires

Avec

Croquant

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Ce livre est une version actualisée, augmentée et remaniée, de l’ouvrage publié en 2016 aux éditions du Croquant1. Cette initiative était une conséquence de l’inquiétude suscitée par l’ascension du Front National (FN), non seulement chez les militants et les intellectuels « de gauche », mais aussi chez les chercheurs en sciences sociales. Les résultats des élections présidentielles et législatives de 2022 n’ont fait que la renforcer : d’où cette réédition actualisée et complétée par de nouvelles enquêtes. Mais cette nouvelle version ne vise pas tant (en tout cas pas seulement) à alerter qu’à tenter de rendre compte sociologiquement de l’essor du RN (Rassemblement National) avec la conviction qu’une meilleure connaissance du phénomène peut aider à en déjouer les mécanismes.













Une ascension inexorable ?













Rompant avec une « neutralité axiologique » souvent revendiquée, mais sans doute plus stratégiquement « opportune » qu’épistémologiquement fondée2, cette inquiétude doit évidemment quelque chose à la progression électorale du FN. Elle peut, en effet, sembler inexorable depuis le début des années 1980. Lors des élections législatives de mai 1981 consécutives à l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, le score du FN était encore, en effet, celui d’un groupuscule : 0,18 %. Mais, aux élections régionales de 2015, le FN obtenait 6,8 millions de voix au second tour, soit 30 % des suffrages et arrivait en tête au premier tour dans la moitié des régions et dans plus de la moitié des communes. En 2017, Emmanuel Macron obtenait deux fois plus de votes que Marine Le Pen. En 2022, l’écart s’est réduit à 16% des votants. Au deuxième tour des élections législatives de 2022, le RN obtenait, à la surprise générale, 89 députés, trois fois plus qu’en 1986, un véritable « tsunami » selon Jordan Bardella, alors président par intérim du RN. Il consolidait, en effet, son implantation dans l’ancienne France industrielle du Nord et du Nord-Est et dans la France du Sud-Est jusqu’aux Pyrénées orientales et il étendait son ancrage territorial. Avec ses 89 députés crédités d’une « image rassurante » (56 hommes, 33 femmes, 46 ans en moyenne, 42 titulaires de mandats électifs, 44 cadres et professions intellectuelles supérieures) et deux vice-présidences à l’Assemblée nationale, le RN, qui refuse désormais d’être classé « à l’extrême-droite », accélère sa « normalisation » et consolide sa « respectabilité »3.













Un parti d’extrême-droite ?













L’inquiétude suscitée par cette ascension est inséparable de l’hystérésis d’une représentation du FN. En mai 1981, son label « d’extrême droite » n’était guère discutable. Le FN de Jean-Marie Le Pen, antisémite, sinon négationniste, raciste et hostile à la démocratie, se recrutait chez d’anciens pétainistes, miliciens retraités, collaborateurs et vétérans de la Légion des Volontaires Français, chez des anciens de l’OAS et leurs sympathisants, chez des catholiques traditionnalistes4. L’inquiétude persistante suppose donc que le RN d’aujourd’hui n’est au fond pas très différent du FN d’hier. Mais cette pérennité de la représentation pose le problème de la « normalisation » du FN. Outre que l’actuelle direction du RN a travaillé à sa « dédiabolisation », les partis de droite « classique » (l’UMP puis LR), en reprenant à leur compte des thèmes de prédilection du FN comme « l’immigration », « l’assistanat » ou « l’insécurité », ont objectivement contribué à leur « banalisation » et, ce faisant, à celle du RN. Par ailleurs, la campagne d’Éric Zemmour pour les élections présidentielles de 2022 a contribué à la « dédiabolisation » du RN en permettant son « recentrage »5. Mais, à l’inverse, les « partis de gouvernement » (du Parti Socialiste - PS - à La République En Marche - LREM), dont « l’épouvantail Le Pen » est devenu l’ultime argument électoral (« faire barrage au RN »), soulignent, non sans quelques arguments, la continuité entre le RN et le groupuscule d’extrême-droite des années 19706.






La question du classement politique du RN se pose d’autant plus que l’invention d’un nouveau label politique - le « populisme » - plus proche, selon Annie Collovald, d’une nouvelle « insulte politique » ou d’une « injure polie »7 que d’un concept, permet d’assimiler La France Insoumise (LFI) au RN et de disqualifier LFI par « contagion » (« le danger populiste »). En fait, Daniel Gaxie montre que le programme du RN est caractérisé par ses ambiguïtés, sinon ses incohérences8. Ils constituent autant d’atouts pour un « catch large party » où peuvent se reconnaître à la fois des militants d’extrême-droite (« faute de mieux »), des catholiques traditionnalistes (« pour défendre la famille »), des « rapatriés d’Algérie » (« pour endiguer l’immigration »), des professionnels du maintien de l’ordre (« pour lutter contre la délinquance »), des indépendants de toutes sortes (« contre la fiscalité et les charges ») et diverses fractions des classes populaires (« des fâchés pas fachos », dont on s’efforcera ici d’élucider « les raisons »). Dans cette perspective, il faudrait prolonger l’enquête en analysant le RN comme « un champ » (où s’affrontent diverses tendances), lui-même pris dans un « champ politique » où chaque parti doit se démarquer de ses concurrents pour conquérir « le monopole de l’usage légitime des ressources politiques objectivées (droit, finances publiques, armée, police, justice, etc.) »9. À l’issue des élections de 2022, le RN est l’un des quatre pôles d’un champ politique structuré par quatre blocs à peu près équivalents : en substance et dans l’ordre, celui d’Emmanuel Macron, celui de l’abstention, celui de Marine le Pen et celui de Jean-Luc Mélenchon10. Le RN y apparaît, selon Daniel Gaxie, comme « un parti marginal, reconnu et stigmatisé » ou « un parti marginal ascendant »11. Mais l’abstention reste le premier « parti » de France12, obérant, scrutin après scrutin, la légitimité des élus. En dépit des appels de la NUPES (Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale), 67 % des ouvriers et 64 % de ceux dont le revenu mensuel est inférieur à 1250 euros se sont abstenus (IPSOS). La Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES) cumule 142 députés, ébauchant ainsi la renaissance d’une « gauche de gauche » dans l’espace politique laissé vacant par la décomposition de « la gauche PS-PC », mais sans pour autant reconquérir l’adhésion des classes populaires13 à l’exception des banlieues des grandes villes. Au deuxième tour des élections législatives, la remobilisation espérée des abstentionnistes n’a pas eu lieu, l’abstention - 53,77 % - a même progressé par rapport au premier tour14.













Un parti populaire ?













Le désarroi provoqué par la progression électorale du RN est également lié aux questions que posent à la fois cette extension de l’abstentionnisme des classes populaires et celle des votes populaires en faveur du RN.






Jusqu’à une date récente, l’abstention était restée un phénomène relativement secondaire (autour de 20 % des inscrits) et, de ce fait, peu étudié. En avril 1848, alors que la population était encore pour moitié analphabète, la participation à l’élection de l’Assemblée constituante (au suffrage universel masculin) atteignait 83,6 % des inscrits. Et lors des élections de mai 1936, où le Front populaire l’avait emporté, le taux d’abstention était l’un des plus faibles de toute l’histoire des élections législatives : 15,6 %. De nouveaux records de participation sont atteints au cours des années 1970 où la gauche dispute le pouvoir à la droite : l’élection présidentielle de 1974 où s’affrontent ...
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